Albert Camus: „Kadar a eu son jour de peur”, [1957] , fragment

Revolta lui Camus este o revoltă în apărarea libertăţii. Într-un timp în care a fi de partea progresului însemna a practica orbirea ideologică deliberată, Camus a rămas fidel acestui cod al demnităţii şi solidarităţii. Scrise în 1957, cu ocazia comemorării revoluţiei maghiare, rândurile reproduse aici au valoarea profetică a unui angajament. Conştiinţa europeană poate exista doar în măsura în care unitatea continentului se fondează pe comunitatea de speranţă în viitorul democraţiei şi al pluralismului.

Tandis qu’il n’y a place pour rien dans la culture stalinienne, sinon pour les sermons de patronage, la vie grise et le catéchisme de la propagande. À ceux qui pouvaient encore en douter, les écrivains hongrois viennent de le crier, avant de manifester leur choix définitif puisqu’ils préfèrent se taire aujourd’hui plutôt que de mentir sur ordre.
Nous aurons bien du mal à être dignes de tant de sacrifices. Mais nous devons l’essayer dans une Europe enfin unie, en oubliant nos querelles, en faisant justice de nos propres fautes, en multipliant nos créations et notre solidarité. A ceux enfin qui ont voulu nous abaisser et nous faire croire que l’histoire pouvait justifier la terreur, nous répondrons par notre vraie foi, celle que nous partageons, nous le savons maintenant, avec les écrivains hongrois, polonais et même, oui, avec les écrivains russes, bâillonnés eux aussi.
Notre foi est qu’il y a en marche dans le monde, parallèlement à la force de contrainte et de mort qui obscurcit l’histoire, une force de persuasion et de vie, un immense mouvement d’émancipation qui s’appelle la culture et qui se fait en même temps par la création libre et le travail libre.
Notre tâche quotidienne, notre longue vocation est d’ajouter par nos travaux à cette culture, et non d’y retrancher quoi que ce soit, même provisoirement. Mais notre devoir le plus fier est de défendre personnellement, et jusqu’au bout, contre la force de contrainte et de mort, d’où qu’elle vienne, la liberté de cette culture, c’est-à-dire la liberté du travail et de la création.
Ces ouvriers et ces intellectuels hongrois, auprès desquels nous nous tenons aujourd’hui avec tant de chagrin impuissant, ont compris cela et nous l’ont fait mieux comprendre. C’est pourquoi si leur malheur est le nôtre, leur espoir nous appartient aussi. Malgré leur misère, leur exil, leurs chaînes, ils nous ont laissé un royal héritage que nous avons à mériter : la liberté, qu’ils n’ont pas choisie, mais qu’en un seul jour ils nous ont rendue.

Texte publicat in Franc-Tireur, 18 mars 1957.

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